Par Isabelle FILLIOZAT.

Dans ce dossier, nous vous proposons de lire ou de relire un dossier, intitulé « Un zeste de conscience dans la cuisine », rédigé par Isabelle FILLIOZAT, psychothérapeute, auteure de nombreux livres et fondatrice de l’École des Intelligences Relationnelle et Émotionnelle (paru dans la revue Kousmine n°43 de septembre 2014). Isabelle Filliozat rappelle que le simple fait de cuisiner peut permettre de se détacher momentanément des tracas de la vie quotidienne et d’être rempli de gratitude envers tout ce qui nous permet de mettre dans notre assiette notre nourriture quotidienne. Comme le disait Catherine Kousmine « nous sommes faits de ce que nous mangeons ». La nourriture conditionne à la fois notre bien-être physique, mais également cognitif et émotionnel. Bien manger, c’est chouchouter notre intestin, second cerveau et clé de voûte de la santé : « Quand l’intestin va, tout va » !
Bonne lecture, et bon appétit !

Monique Béjat, présidente de l’AKF

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La nutrition me passionne depuis des années. Ma conversion au bio s’est opérée en 1987, alors que j’étais en train d’écrire L’alchimie du bonheur. J’y avais déjà étudié et montré combien notre nourriture, et notamment le sucre, sont des stratégies anti-stress… qui nous stressent en retour ! Je n’avais toutefois pas encore notion de l’impact phénoménal de ce que nous mangeons sur nos comportements, nos pensées et nos émotions. Le cerveau entérique n’avait pas encore dévoilé ses secrets.
Dans mon dernier livre Bien dans sa cuisine, qui vient de paraître en poche sous le titre Un zeste de conscience dans la cuisine, je vais un cran plus loin. J’y explore combien la cuisine peut être un espace de transformation de soi parce que ce que nous mangeons nous construit, mais aussi parce que cuisiner n’est pas une activité anodine, qu’on peut y trouver du sens, y puiser les conditions du bonheur. J’y montre qu’on peut y respirer en conscience, développer attention et concentration, rester en contact avec une pomme, tenir compte du régime de chacun, libérer sa colère, dire son amour, tout cela en luttant contre la dépression, l’hyperactivité, et même la violence des jeunes et des moins jeunes.
Voici un patchwork de quelques idées présentées dans ce livre Bien dans sa cuisine. Quand cuisiner devient une expérience intérieure.

Interdépendance et gratitude, une pomme contient le monde

À la première page, je dédie mon livre « à ceux et celles qui travaillent dans l’ombre pour nous fournir notre nourriture. Aucune cuisine ne serait possible sans eux/elles. » En effet, comment ne pas être éperdu de reconnaissance vis-à-vis des règnes végétal et animal qui nous offrent des amandes, des carottes, des œufs, du poulet, du saumon et des huîtres… Mais aussi envers insectes, minéraux ou champignons qui ont travaillé pour leur production. Comment ne pas remercier tous ces intermédiaires silencieux et invisibles qui nous fournissent notre nourriture quotidienne ? Je pense aux abeilles qui assurent la pollinisation et donc toute vie sur terre. Je pense au règne fongique. Les champignons que nous cueillons ne sont que les organes de reproduction de ces organismes fabuleux. Le mycélium régénère les sols, produit l’humus sans lequel rien ne pousserait, apporte aux racines l’eau et les nutriments dont arbres, arbustes, légumes et fleurs ont besoin pour nous nourrir. Je pense aux bactéries, et parmi elles, à celles que nous hébergeons dans notre système digestif. Au nombre approximatif de 1014 réparties en plus de mille espèces, elles forment notre flore intestinale. Nous pouvons aussi éprouver un sentiment de gratitude envers nos ancêtres qui ont découvert l’usage du feu, envers les cuisiniers qui se sont succédé génération après génération et ont inventé tant de recettes. Et bien sûr envers ceux qui ont planté, arrosé, cultivé cette plante que nous mangeons. Cuisiner et manger en conscience, c’est se sentir en lien, sentir que nous appartenons à cette extraordinaire complexité du vivant, et remercier.

J’éprouve de la gratitude envers ce carré de chocolat, envers cette noisette, envers cette reine des reinettes… envers chaque aliment qui ravit tant mes papilles et m’apporte ses vitamines, acides aminés, graisses ou protéines pour me donner de l’énergie, me permettre de construire et entretenir mes muscles, mes os, mes neurones… Je visualise la construction de mes cellules. Je perçois les liens, l’inter-relation, l’interdépendance de toutes choses…

La pleine conscience

La méditation est l’outil privilégié de l’entraînement de la conscience et développer cette dernière est un des buts de ma vie. Or, depuis que je suis devenue maman, à trente-sept ans, ma disponibilité s’est drastiquement réduite. Je n’avais plus le loisir de m’asseoir tranquillement une heure par jour. Reste la méditation active. Quand je suis dans une file d’attente, je médite. Quand j’accomplis des tâches routinières, je médite. Quand j’épluche, pétris, tourne, bats, verse, lave, je médite. De nos jours où le temps de chacun est compté, où les plats préparés et autres surgelés envahissent les tables, il m’a paru utile de partager ma pratique de pleine conscience active en cuisine.

Instant présent et présence à soi

Je me surprends à me projeter dans une heure, ou à m’imaginer ailleurs ? Je reviens à ma respiration, je redeviens conscient(e) de mon corps et de ma respiration jusque dans mon bassin, jusque dans mon sacrum. Être vraiment là présent(e) à la carotte que j’épluche me permet de me sentir en lien avec cette carotte, avec moi-même, avec le monde.

L’image classique de la méditation, c’est un bouddha assis en lotus, immobile. Mais on peut faire de la méditation en marchant et plus généralement en vivant ! J’ai appris cela auprès de Thich Nhat Hanh et de Chan Khong il y a plus de vingt ans et je l’ai pratiqué régulièrement depuis. En réalité, méditer ne nécessite pas un gong et un coussin. Méditer, c’est être conscient. Dans l’idéal, nous pourrions rester conscients 100 % du temps ! Mais comme le souligne une chanson folklorique vietnamienne : « Le plus dur est de pratiquer la Voie à la maison, ensuite dans la foule, et enfin dans la Pagode. »
« Dans la méditation bouddhiste, on ne se préoccupe pas d’un éveil qui se produira dans cinq ou dix ans. Nous pratiquons afin que chaque moment de notre vie devienne la vie authentique. C’est pourquoi lorsque nous méditons, nous sommes assis pour être assis et pour rien d’autre. Si nous nous asseyons vingt minutes, ces vingt minutes doivent nous apporter de la joie, de la vie. Si nous pratiquons la méditation marchée, nous pratiquons pour marcher, pas pour arriver.
Nous devons être vivants à chaque pas et si c’est le cas, chaque pas nous nourrit de vraie vie » (Thich Nath Hanh, Le cœur de la compréhension). Suivant cet enseignement, j’ai commencé à laver la vaisselle en respirant, à laver la vaisselle pour laver la vaisselle, non pas le plus vite possible pour qu’elle soit propre, mais pour être là et vivre la vaisselle, respirer et rester là, à l’intérieur de moi, en contact avec mes sensations corporelles, en contact avec l’évier et en étant présente à mon sacrum, dans mon bassin. Respirer, être attentive à ma posture, à mes sensations corporelles tant internes qu’externes. Sentir l’eau chaude et le savon, sentir le poli de la céramique blanche et le grain de l’éponge grattante. Sentir mes gestes, de l’intérieur, sentir les muscles du poignet, de la main, des doigts, des bras, des épaules… être là dans mes sensations kinesthésiques. Nettoyer, impeccablement. Faire la vaisselle est souvent vécu comme une corvée. Et ce peut en être une. Tout dépend de notre manière de la faire. Nettoyer les assiettes en pleine conscience est une source d’épanouissement, de joie et d’ouverture du cœur.

Le temps parcouru sans se sentir vivant est du temps gâché. « La vie est trop courte pour s’embêter pendant seulement une heure », disait Georges Courteline. Comme je déteste perdre mon temps, tout naturellement, je me suis mise à éplucher les légumes ou à émincer les oignons en conscience, à cuisiner pour cuisiner, pas pour confectionner un plat. La réalisation du plat n’est qu’une conséquence. On peut certes éplucher les légumes en s’évadant, en pensant à autre chose, on peut aussi éplucher les légumes en épluchant les légumes. La pleine conscience, c’est cela. Le résultat externe n’a plus d’importance. Je suis moi, dans l’action. Conscient. Gestes conscients, je suis pleinement à ce que je fais.

Manger différemment suscite des commentaires

Manger différemment, sans viande, sans lait, sans gluten ou cru suscite des questions, parfois de l’opposition. La nourriture déclenche autant de passions que l’éducation des enfants ou la politique ! Manger ensemble unit les humains, et donc dessert les pouvoirs et déjoue les plans des puissants. Chaque religion marque son territoire par des prescriptions alimentaires. De tout temps, les humains semblent avoir utilisé la nourriture pour unir ou désunir, marquer des frontières et identifier des groupes. Les gens qui mangent différemment, sans gluten, sans sucre… sont dits orthorexiques, psychorigides… mais qui sont les plus rigides ? Ceux qui font preuve de flexibilité en modifiant leur régime alimentaire pour être en meilleure santé et respecter la terre ? Ou ceux qui se nourrissent au supermarché de plats préparés par l’industrie en refusant de réfléchir ni à la provenance des produits, ni aux conséquences de leurs achats ou de leur consommation ? Nombre de gens se méfient du bio. « C’est du marketing », « Si c’était vraiment meilleur, ça se saurait », « Le bio ça n’existe pas, c’est de l’arnaque », « Ce n’est pas bon », « C’est pour les hippies ou les bobos ». Les parents surtout sont très réactifs et il est arrivé dans certaines écoles primaires que certains menacent de retirer leurs enfants de la cantine si la nourriture y devenait bio ! Dans la tête de beaucoup le bio est une nourriture bizarre, sectaire, avec du soja et autres textures étranges. Et puis, ils en sont certains, c’est forcément moins bon, voire nocif ! D’où vient tant d’agressivité et de méfiance ? Lorsque nos actes sont en désaccord avec nos croyances, voire nos valeurs, cela nous plonge dans un désagréable malaise, fait d’angoisse et de culpabilité. Lorsqu’il nous est difficile de modifier nos comportements, nous avons une forte propension à réorganiser notre pensée pour la faire coller à nos actes, les justifier. Le phénomène est bien connu sous le terme de réduction de la dissonance cognitive (Leon Festinger, 1957). Savoir que le bio est meilleur pour la santé et ne pas acheter bio génèrerait de l’angoisse. Accepter l’idée que bio, c’est bon, obligerait à regarder en face le fait d’avoir risqué d’intoxiquer ses gamins depuis des années… C’est impossible à accepter. C’est ainsi que nombre de consommateurs préfèrent rester convaincus que le bio est mauvais, pour éviter d’affronter l’angoisse de la dissonance cognitive.

Nos émotions

La cuisine pourrait-elle être un lieu pour gérer notre vie émotionnelle ? Lieu de transmission, de convivialité, lieu quotidien de vie, de communication mais aussi d’incommunication, lieu refuge quand on est mal… On y ouvre le frigo pour y dénicher une mousse au chocolat ou un soda, on y avale des sucreries qui n’écartent la douleur que très provisoirement et en occasionnant de multiples effets secondaires. Pourrait-on faire face autrement à nos émotions ? Nous avons naturellement tendance à fuir la douleur. Mais plus nous nous contractons pour éviter de sentir, plus nous sommes crispés, tendus et souffrants. Le chemin de l’harmonie intérieure n’est pas dans la fuite de tout affect, mais dans l’acceptation de la traversée sans s’y attacher. Pourquoi faire tout cela dans la cuisine ? Pourquoi pas ? Occuper ses mains peut aider à calmer les pensées et à dompter l’esprit de manière à pouvoir écouter profondément son cœur.

Psychonutrition

Tout en épluchant les légumes ou en tournant une sauce, j’observe et je laisse évoluer la douleur, la tension ou l’énervement dans mon corps. Je reste conscient(e) de mes gestes, de la sensation que me procure le couteau ou la cuiller dans la main, cela m’aide à observer les sensations associées à mes émotions sans me laisser embarquer par elles.

Crises de rage des petits, intolérance à la frustration, dépression, anxiété, déficit d’attention, hyperactivité, violence des jeunes et des moins jeunes, TOCs, autisme, dyslexies et autres troubles dys… et si c’était la nourriture ? Une étude parue en 2007 dans The Lancet a montré sans équivoque que les additifs, notamment le benzoate de sodium (E211), augmentent le comportement hyperactif et le déficit d’attention chez les enfants. Troubles de l’attention et hyperactivité ne sont pas dus à un supposé manque d’autorité des parents, comme d’aucuns tentent de le faire croire. Ce sont des rançons des multiples additifs chimiques dans la nourriture de nos enfants…

Le sucre

Pourquoi consomme-t-on tant de sucre ? Parce que c’est bon au goût et que cela donne du plaisir ! Le glucose stimule la production d’opioïdes naturels dans notre cerveau, une véritable drogue qui rend dépendant. La dopamine adresse le message « C’est bon, c’est super bon » aux récepteurs opioïdes du « circuit de la récompense » au niveau du noyau accumbens. Cette petite structure est appelée le noyau du plaisir. Sa stimulation induit une véritable addiction. Des rats peuvent préférer appuyer sur une manette déclenchant électriquement un afflux de dopamine vers leur noyau accumbens à toute autre récompense ou friandise. Le sucre est susceptible de déclencher une véritable addiction. Car le problème avec ce noyau accumbens, c’est qu’une stimulation constante induit une augmentation du seuil de tolérance et vous devez sans cesse en consommer davantage pour obtenir le même effet. De plus, l’activation du circuit de la récompense a priorité sur les zones permettant le self-control, voyez le souci !
Kathleen DesMaisons montre que certaines personnes ont une sensibilité intense au sucre. Juste après avoir mangé du sucre, elles se sentent merveilleusement bien et pleines de confiance en elles. Puis elles traversent sans raison apparente des épisodes de colère qui les dépassent, des bouffées d’angoisse, de l’anxiété. Certaines personnes ont du mal à poser leurs limites ou définissent des frontières inappropriées, d’autres ne peuvent se concentrer, ou ont des problèmes de sommeil. Des symptômes récurrents de fluctuation d’humeur, doute de soi, de sentiments d’être dépassé par les événements, de désespoir, de fatigue, ou de dépression, peuvent être des indicateurs de sensibilité au sucre, surtout si vous en raffolez. À moins que vous ne préfériez les hydrates de carbone raffinés (pizzas, petits fours salés et autres sandwichs) ou l’alcool qui déclenchent le même cercle vicieux que le sucre.

Je pose mes couverts. Je laisse les goûts s’épanouir sur ma langue. J’éprouve la texture, je brise, je mâche, différentes nuances de saveurs s’épanouissent. Je déguste. Je broie les protéines pour les rendre plus facilement digestibles dans l’estomac. Je visualise les amylases qui s’attaquent aux féculents. Je suis attentif/ve à mastiquer également à droite et à gauche, le déséquilibre de la mâchoire entraînant de nombreux problèmes de posture et de douleurs.

Gluten et produits laitiers

J’ai découvert avec stupéfaction l’importante dimension de l’alimentation grâce à mon fils. Adrien avait depuis toujours la peau très sèche, un peu d’eczéma. Il n’était certes pas hyperactif, mais il présentait certains traits qui pouvaient entrer dans le tableau. Très à l’aise avec les adultes, il avait du mal à se faire des copains de son âge qui ne comprenaient pas son excessive réactivité. Il se montrait très tendre mais pouvait vous bousculer en se jetant sur vous pour vous embrasser. Cette impulsivité contrastait avec la concentration dont il avait été capable plus jeune et qui avait fait l’admiration de ses maîtresses de maternelle. Désormais, grogne, agressivité, humeur sombre étaient quotidiennes. Il s’opposait, s’énervait facilement, dormait mal et se plaignait d’avoir mal au ventre. À la fin d’un article sur l’impact du gluten sur l’autisme, il était souligné que si les peptides P1 et P2 du gluten étaient associés à des traits de comportement du spectre autistique, les peptides HK1 et HK2 pourraient être associés à certains comportements des enfants hyperactifs ou présentant des problèmes de socialisation ou d’opposition. J’ai immédiatement fait passer à Adrien le test d’urine permettant d’identifier une éventuelle intolérance. La peptidurie a effectivement mis en évidence la présence d’une quantité excessive de peptides HK2 ainsi qu’une hypersensibilité aux casomorphines (caséines du lait). Le médecin a prescrit une éviction totale du gluten et des produits laitiers. Les résultats ont été spectaculaires. En quelques jours, il s’est transformé. Il s’est remis à sourire davantage, tout était plus facile et plus agréable, il se sentait manifestement plus heureux et s’est fait des amis ! Une fois, au restaurant, il a demandé à goûter la pizza de sa sœur. Il en a mangé un peu et dans l’heure qui a suivi, il s’est énervé et son agressivité est revenue. Son père et moi étions fascinés par l’impact de ce petit morceau de pizza. Pour une psy, c’était particulièrement interpellant ! J’avais emmené mon fils consulter à plusieurs reprises psychothérapeutes et psychanalystes sans effet sensible. Et la simple éviction de certaines nourritures le transformait en quelques jours.

Comment le gluten ou la caséine peuvent-ils avoir une telle incidence sur le comportement et sur l’humeur ?
Quand on fait entendre à des cochons des cris d’animaux menés à l’abattoir, on retrouve de grandes quantités de bactéries intestinales dans leur sang. Le stress rend l’intestin poreux ! La paroi intestinale est couverte d’un jardin de bactéries qui protègent les muqueuses, la flore intestinale. Une réaction de stress perturbe l’équilibre des bactéries. C’est la dysbiose. La flore ne jouant plus correctement son rôle, la paroi n’est plus étanche. Sa porosité va permettre à certaines protéines de la franchir. D’autre part, les bactéries sécrètent des enzymes chargées de dégrader les macromolécules pour les rendre assimilables. En cas de dysbiose, certaines enzymes disparaissent ou sont inactivées et ne font donc plus leur travail correctement. Les protéines du gluten sont constituées de différents peptides. Non dégradés, ces derniers passent à travers la barrière intestinale. Certains peptides sont opioïdes et vont donc se fixer sur les récepteurs neuronaux, déclenchant les réactions déjà décrites pour le sucre au niveau du noyau accumbens. Chacun peut être intolérant à tel ou tel peptide du gluten parce que ce n’est pas toujours la même enzyme qui manque.
En Norvège, à Stavanger, un groupe de 23 jeunes de quatre à onze ans souffrant d’hyperactivité a été soumis en 1996-1997 à un régime alimentaire sans lait, car leurs urines contenaient des quantités anormales de peptides. Les résultats ont été spectaculaires. « Pour une enseignante, voir ces enfants incapables d’apprendre quoi que ce soit devenir réceptifs du jour au lendemain, c’est quelque chose de merveilleux », raconte Kristine Fosse, une éducatrice impliquée dans le projet.

Le lait n’est pas un aliment santé
Les jeunes qui ont des problèmes avec la loi boivent statistiquement deux fois plus de lait que les autres… En cause probablement les caséines opioïdes. Les protéines du lait de vache sont très peu digestes, tout au moins dans le lait homogénéisé (NDLR : ce qui est maintenant le cas de tous les laits hormis les laits crus ou pasteurisés fermiers) . Le lait est un aliment allergisant, facteur de rhumes et de mucosités dans la gorge. Son taux élevé d’œstrogènes est un facteur de risque dans les cancers hormonodépendants (sans compter les hormones de croissance que glissent les industriels dans le lait non bio). Il serait même impliqué dans l’ostéoporose ! Le lait contient effectivement beaucoup de calcium, mais peu assimilable. Et puis on trouve du calcium dans toutes sortes d’autres produits. Il y en a autant dans une tasse de brocoli que dans un verre de lait et nettement moins que dans une boîte de sardines ! Ajouter à vos plats des graines de sésame, des algues, ou manger des figues, non seulement assure le nécessaire apport calcique mais évite la carence en magnésium.
Quand un enfant est particulièrement opposant, agressif, hyperactif, ronchon, ou au contraire renfermé, silencieux ou dépressif, s’il a du mal à suivre à l’école, j’interroge ses parents sur son régime alimentaire et ce d’autant plus s’il a souvent mal au ventre ou du mal à s’endormir. Tout n’est pas psychique. Tout est psychosomatique, c’est-à-dire que les dimensions psychiques et somatiques sont intriquées.

Le Dr Robin Pauc, neurologue anglais, soigne et guérit des enfants atteints de dyslexie, dyspraxie, hyperactivité, troubles obsessifs compulsifs, syndrome de la Tourette, autisme et syndrome d’Asperger par un entraînement de leur cerveau et surtout un régime ! Quel est ce sorcier qui peut guérir tant de troubles si différents ? Eh bien justement, il nous explique qu’ils ne sont des pathologies distinctes qu’en apparence. Selon lui, il ne s’agit que de symptômes variés d’un même problème : un retard dans la maturation de certaines zones du cerveau. Il le nomme syndrome de délai développemental (SDD). L’idée est donc simple, redonnons au cerveau ce dont il a manqué, libérons-le du stress qui l’empêche de fonctionner, fournissons-lui les informations dont il a besoin… et il redémarrera sa croissance, les symptômes disparaissant alors naturellement. Et ça marche ! Les résultats présentés par Pauc et son équipe sont stupéfiants. Le retard dans l’acquisition de la propreté est un bon indicateur de SDD. Pour ne plus faire pipi au lit la nuit, le cerveau frontal doit avoir maturé au point d’avoir la capacité de contrôler la vessie donc d’inhiber les commandes de régions plus primitives du cerveau. À l’âge de cinq ans environ 10 à 15 % des enfants seraient atteints d’énurésie nocturne. À dix ans, 6 % d’enfants font encore pipi au lit. Surtout les garçons. Votre enfant fait pipi au lit ? Il est hyperactif ? Impulsif ? Il a des tics ? Il a du mal à l’école ? Il ne sait pas s’organiser ni anticiper ? Il dort mal ? Il est difficile question nourriture ? Il a des rituels, des obsessions ? Il refuse excessivement la nouveauté ? S’il a un ou plusieurs de ces symptômes, vous pouvez suspecter un SDD et remettre son cerveau en route. Dans sa clinique à Tinsley House, le Dr Robin Pauc a mis au point un traitement révolutionnaire très simple qui se déroule sur deux axes : une nutrition pro cerveau et des exercices simples de stimulation des yeux et du cerveau.
La diète qu’il propose ?

  • Réduire les E quelque chose, tous les additifs alimentaires.
  • Supprimer les sucres blancs (les confiseries et tous les sucres ajoutés dans les produits industriels jusque dans la sauce tomate).
  • Réduire les glucides.
  • Ajouter des oméga 3 et omégas 6 avec du sulfate de Zinc au dosage approprié.
  • Introduire des aliments qui aideront le cerveau de l’enfant à fonctionner au mieux.

Pour les exercices de stimulation des yeux et du cerveau, je vous renvoie à ses livres.

En 1998, le Dr Natasha Campbel-McBride, neurologue, a fondé la Clinique de nutrition de Cambridge. Elle y soigne, elle aussi, par la nutrition des enfants atteints d’autisme, de dyslexie, de TDHA… « Je n’ai jamais rencontré d’enfant atteint d’autisme, d’hyperactivité avec déficit attentionnel, d’asthme, d’allergies, de dyspraxie ou de dyslexie qui ne présente pas de trouble digestif ». Le système digestif de l’enfant conditionne le développement de son cerveau et des troubles – qui semblent aussi divers que les troubles de l’apprentissage, l’asthme ou les troubles de l’humeur – trouvent leur origine dans les intestins. Je renvoie le lecteur à son livre, extrêmement clair et documenté. Ce que Pauc appelle SDD, elle le nomme « syndrome entéropsychologique » ou GAP (Gut and Psychology Syndrome). Elle invite à éviter les aliments transformés, les céréales du petit déjeuner, les chips et bien sûr le sucre et le blé moderne. Son livre est passionnant en ce qu’il explique avec limpidité le fonctionnement de la digestion et les effets de chaque aliment. Les entérocytes n’auront plus de secret pour vous. Vous comprendrez comment les maladies physiques et psychiques commencent dans l’intestin.
Le Dr Robin Pauc et le Dr Natasha Campbell-McBride sont loin d’être les seuls à incriminer l’alimentation dans les troubles des enfants comme des adultes. Les expériences menées sont sans appel, mais elles bouleversent tant nos habitudes et nous confrontent tant à notre addiction, qu’elles ont bien du mal à être entendues.

Il y a plus de vingt ans, dans une prison aux États-Unis, dix modifications ont été introduites dans le régime alimentaire d’une population de 68 prisonniers. Toutes les formes de sucres raffinés ont été supprimées. Les recettes contenant du sucre ont été modifiées pour intégrer de la mélasse ou du miel. Les desserts et en-cas ont été remplacés par des fruits frais, des noix et des graines. Les boissons sucrées comme les sodas et la limonade ont été remplacées par des équivalents sans sucre. Tous les aliments provenant de boîtes de conserve ont été rincés à l’eau fraîche avant consommation. Sept mois plus tard, le résultat est édifiant, le nombre de jeunes posant problème a baissé de 80 %. Et le nombre total d’incidents graves de comportements a baissé de 45 %. Ces études randomisées étaient menées sur des délinquants issus de milieux défavorisés. Les résultats seraient-ils les mêmes sur des enfants de milieux plus favorisés ? Une étude dans les écoles publiques a donc été menée à Phoenix en Arizona pour déterminer si des comprimés de minéraux et vitamines seraient susceptibles d’avoir une incidence sur le comportement d’élèves ordinaires de six à douze ans. La recherche a été conduite avec toutes les garanties de randomisation, double-aveugle, contrôle placebo, mesures prétest et post-test des comportements antisociaux. 468 élèves ont participé à l’étude. Résultats : 47 % de moins de comportements antisociaux chez ceux qui avaient reçu le complément vitaminique par rapport à ceux qui avaient eu le placebo. Soit près de moitié moins de comportements tels que bagarres, menaces, vandalisme, manque de respect, mauvaise conduite, opposition, obscénités, refus de travail, mise en danger d’autrui et autres agressions. Des résultats qui devraient nous inciter à modifier les goûters et autres en-cas que nous donnons à nos enfants pour l’école !

Il existe une corrélation fortement significative entre consommation de sodas et violence, plusieurs recherches similaires l’ont démontrée. Mais s’agissait-il d’une relation de cause à effet ou y avait-il d’autres facteurs motivant à la fois consommation de sodas et agressions, cela restait à déterminer.
C’est ce à quoi s’est attachée l’expérience suivante : la plus large étude nutritionnelle jamais conduite dans le monde a été menée à New York par le Dr Alexander Schauss. Elle a impliqué 800 000 scolaires de tous âges dans 803 écoles. Une équipe de chercheurs de l’Université d’État de Californie a été missionnée à New York pendant quatre ans, pendant que des changements séquentiels étaient introduits dans le régime des enfants, alternant avec des périodes d’interruption. L’étude proprement dite s’est terminée en 1983 et il a fallu une année et demi aux chercheurs pour analyser les données recueillies. Les résultats sont sans appel. Les changements de régime ont été suivis de la plus forte progression – jamais enregistrée dans toute l’histoire de l’éducation aux États-Unis – aux tests standardisés mesurant les performances académiques des élèves ! Un résultat particulièrement signifiant pour un nombre aussi important d’écoles.

Quelles modifications alimentaires avaient suscité de tels progrès des élèves ?
Les chercheurs ont rajouté éléments nutritifs et fibres dans les assiettes, et ils ont supprimé les aliments « vides » : sucre blanc, farine raffinée, sodas et la plupart des desserts. La première école à suivre les recommandations du Dr Schauss a été Helix High School, près de San Diego. La direction a mis en place un bar à salades et fait en sorte de ne proposer aucune sucrerie contenant du sucre blanc dans sa cafétéria. Durant les dix ans de la durée de ce programme, cette école a eu les résultats académiques les plus élevés de tout l’état de Californie ainsi que des équipes sportives de haut niveau, jusqu’à ce que le directeur de la cantine prenne sa retraite. Même quand l’amélioration est évidente, il suffit d’un changement d’homme et tout est par terre. Les résistances sont phénoménales.

À Seattle, dans l’État de Washington, les ventes de sodas et de junk food ont été interdites dans pas moins de cent écoles en 2004. Il s’agissait de bannir tout aliment contenant un haut niveau de sucre et de graisses, d’améliorer la qualité et l’attrait des repas scolaires et d’interdire les contrats avec les commerçants de boissons. Là aussi les résultats ont été si spectaculaires qu’il est étonnant, voire scandaleux, que le projet n’ait pas été reconduit et ce partout dans le monde. À croire que nous trouverions bénéfice à ce qu’incivilités et violences continuent de faire rage dans les établissements scolaires et voir nos enfants éprouver des difficultés à se concentrer et à apprendre. Il est vrai que les sirènes de l’hyperconsommation sont puissantes ! Sans compter qu’il n’est pas simple de se faire réélire en supprimant le sucre aux enfants, même si les dits enfants s’en portent nettement mieux.
Ces résultats montrent l’injustice dont nous faisons preuve quand nous punissons un jeune pour mauvais comportement ou parce qu’il n’arrive pas à se concentrer en classe, alors que nous sommes responsables de la manière dont il se nourrit.

Quand le taux de sucre dans le sang est trop élevé l’enfant est surexcité, saute et court partout, ne peut s’empêcher de bouger. Si pour le calmer dans un train, une file d’attente ou une réunion publique nous lui donnons une barre de confiserie, il ne se calmera que très provisoirement !
L’afflux brutal de sucre dans son sang ne pourra qu’aggraver le problème ! Quand l’insuline a été secrétée à forte dose, une fois fait son travail de ramassage du sucre, le taux de sucre baisse en dessous du niveau optimal, le cerveau de l’enfant est de nouveau sous stress. L’enfant devient grognon, intolérant à la frustration, colérique, il éprouve une sensation de faim, de faim de sucre en particulier, et il vous réclame avec insistance… un bonbon ! En le lui donnant, nous obtenons effectivement l’arrêt de la colère et de la mauvaise humeur, mais nous enclenchons un nouveau cycle de hauts et bas. Le sucre est le carburant du cerveau. Mais ce dernier n’est pas fait pour les montagnes russes, il a besoin de régularité pour fonctionner efficacement.

Impermanence

La vie de la pomme se termine dans ma bouche. Mais la vie dans la pomme, c’est-à-dire les acides aminés, les enzymes, les vitamines… se transmettent et participent maintenant à la vie dans mon corps. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Cuisiner, c’est agencer le vivant, tester, expérimenter des formes… comme fait la nature partout. Quelle fascination de voir un peu de farine, de sel et d’eau se muer en pain. École du non-jugement, rien n’y est « bien » ou « mal », chaque cause a des conséquences, la cuisine nous enseigne aussi l’impermanence des phénomènes et le non-attachement. L’œuf doit être cassé pour participer à un gâteau. Il perd sa forme, s’abandonne pour participer à plus grand.

Quand nous cuisinons, nous travaillons avec de l’eau. L’eau a une mémoire, elle reçoit et transmet l’information. En épluchant, coupant, mélangeant, pétrissant, ordonnant sur l’assiette, nous mettons de l’information dans notre nourriture.

Que désirons-nous transmettre ?
En travaillant avec cœur et conscience, nous mettons de l’amour et de l’esprit dans la nourriture. Elle nous le rendra au centuple.

Isabelle FILLIOZAT est psychothérapeute, psychopraticienne, fondatrice de l’EIREM, École des Intelligences Relationnelle et Émotionnelle, auteure de nombreux livres.