L’incroyable Bouillon de poule

Par Hélène TRANCHANT-GIRARD – Extrait de la Revue AKF n°33

 
L'incroyable bouillon de poule

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Le bouillon de poule a été longtemps considéré comme le remède de choix des malades et des convalescents. Resté longtemps une énigme quant à son mode d’action, le voici décrypté sous l’angle nutritionnel et thérapeutique et remis à l’honneur.

Loin d’être un remède désuet, le bouillon de poule (ou de poulet) maison est une source exceptionnelle de minéraux, il aide à fabriquer de l’os (ce qui le rend très intéressant à l’âge de l’ostéoporose), il soulage l’arthrose, il facilite la digestion des féculents, assouplit la peau ; il est souverain pour soulager et guérir les pathologies induites par une altération de la muqueuse intestinale (colites, allergies, syndrome du côlon irritable, maladie cœliaque, maladie de Crohn, et les affections rhumatismales).
En Asie, le bouillon à base de viande ou de poisson constitue un mets incontournable de tout repas.

Etonnante gélatine

En refroidissant, le bouillon se gélifie. Bonne nouvelle ! C’est la preuve qu’il contient de la gélatine, un atout santé et beauté. Lorsqu’on réchauffe le bouillon, il redevient liquide.

Cette gélatine, extraite des cartilages, ligaments et os, renferme de précieux nutriments, dont la présence explique certains bienfaits du bouillon comme la meilleure digestion des céréales, des laitages et des viandes chez les sujets fragiles ou hyper-sensibles.

C’est cette qualité qu’Elaine Gottschall, biologiste moléculaire et cellulaire spécialisée dans l’étude des aliments sur l’organisme, a exploité dans la définition de son Régime des Glucides Spécifiques
(RGS) destiné à soigner les troubles intestinaux et les maladies induites. Elaine Gottschall le présente comme un formidable anti-inflammatoire.

Pour Natasha Campbell, neurologue et nutritionniste, le bouillon de viande ou de poisson, outre le fait de calmer l’inflammation, renforce les cellules de la paroi intestinale qui se reproduisent alors plus vite, assurant la restauration de la muqueuse et sa guérison. Néanmoins, ce rôle ne peut être assuré pleinement que dans le cadre d’une diète de suppression des glucides.

Comment agit cette gélatine ? La réponse nous est donnée par Raymond Peat, endocrinologue, chercheur et professeur en biologie moléculaire, qui, dans un article intitulé « Gélatine, stress et longévité » donne une explication scientifique aux sages traditions de nos ancêtres.

Il explique que les équilibres en acides aminés des muscles et de la gélatine sont très différents. Le muscle est riche en tryptophane et en cystéine, alors que la gélatine ne contient pas de tryptophane, affiche peu de méthionine, mais s’avère riche en glycine, et en proline. Tryptophane et cystéine sont des stimulateurs de stress et des inhibiteurs de la fonction thyroïdienne. En outre, le tryptophane est un précurseur de sérotonine, qui, en excès, provoque inflammation et immunodépression. Inversement, les acides aminés contenus dans la gélatine ont des effets anti-inflammatoires et sont des précurseurs de collagène, qui assure, entre autres, la cicatrisation et la croissance des tissus.

Plus précisément, la glycine produit divers effets protecteurs et antistress. Raymond Peat précise aussi qu’elle favorise une rémission plus rapide lors d’accident cardiaque, facilite le sommeil, l’apprentissage et la mémorisation. Elle peut aussi prévenir et soulager l’inflammation. Son rôle sur les pathologies est donc double : dans un premier temps, elle soulage la douleur et, au long cours, elle intervient dans la restauration des cartilages.
De plus la glycine est un des précurseurs du glutathion, un antioxydant très puissant, qui joue un rôle central dans les processus de détoxication et dans le bon fonctionnement du système immunitaire.

Pour le Dr John T. Pinto du Sloan Kettering cancer Center de New-York : le glutathion est «le maître antioxydant».

Au vu de toutes ces propriétés, on peut se demander pourquoi ne pas utiliser la glycine pure ? Parce qu’elle s’avère plus efficace lorsqu’elle est équilibrée par la présence des autres composants de la gélatine. Et oui, comme toujours, les aliments sont plus bénéfiques que les molécules isolées, même dérivées d’une source naturelle.

La proline, de son côté, a fait l’objet de recherches approfondies et aide à maintenir le cœur en bonne santé en empêchant les « lipoprotéines A » d’adhérer à la paroi interne des artères et de provoquer la formation d’une plaque d’athérome, facteur d’infarctus.

« Lorsque nous consommons des protéines animales dans des plats traditionnels (par exemple le fumet de poissons, le fromage de tête, les côtelettes de porc, le bouillon à base de pattes et pilons de poulet), nous intégrons une grande quantité de glycine et de gélatine. Cet équilibre global des acides aminés est le soutien d’une série de
processus biologiques, y compris la croissance noble des tissus et organes chez les enfants. Lorsqu’on ne consomme que les parties musclées de l’animal (le steak) l’équilibre des acides aminés qui pénètrent notre circuit sanguin est similaire à celui qui est produit sous stress extrême, lorsque l’excès de cortisol provoque une dégradation musculaire pour produire de l’énergie et du matériau de reconstruction. (…)

Dans les sociétés industrialisées, la consommation de gélatine dans les bouillons et cuissons mijotées a diminué par rapport à celle des aliments contenant une proportion trop élevée d’acides aminés à effet antimétabolique (…). Les maladies dégénératives et inflammatoires peuvent souvent être corrigées en utilisant des aliments riches en gélatine. (…)

Pendant longtemps, on a supposé que l’effet thérapeutique de la gélatine dans les cas d’arthrite résultait de son effet réparateur des cartilages ou d’autres tissus connectifs autour des articulations, simplement parce que ces derniers contiennent beaucoup de collagène. (…) Une partie de la gélatine va être incorporée dans le cartilage des articulations, mais ce processus est très lent. Or, le soulagement de la douleur et de l’inflammation semble être quasi
immédiat et ressemble plutôt à l’effet anti- inflammatoire du cortisol ou de l’aspirine.

La glycine du bouillon fait montre d’une large fourchette d’actions antitumeur, y compris l’inhibition de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (l’angiogenèse*1). On a démontré son action protectrice dans les cancers du foie et le mélanome. Puisque la glycine est non-toxique (si les reins fonctionnent encore…), ce type de chimiothérapie peut être agréable. (…) On a récemment démontré que la gélatine et la glycine facilitaient l’action de l’insuline dans la diminution du taux de sucre sanguin et soulageaient le diabète* ».

Raymond Peat

Le Collagène

Le collagène est un ingrédient chouchou des crèmes de jouvence pour ses prodigieuses propriétés antirides. En effet le collagène ralentit le processus du vieillissement, diminue les rides et assouplit la peau.

Pourquoi ne pas plutôt en manger ? C’est de l’intérieur que viendra la beauté ! Et ce bouillon coûte bien moins cher que toutes les crèmes cosmétiques, certes au collagène, mais qui contiennent aussi bien des substances indésirables.

Au niveau corporel, cette protéine fibreuse est incontournable puisqu’elle représente 1/4 à 1/3 de la masse protéique du corps et assure la cohésion, l’élasticité et la régénération de tous nos tissus. Il existe plusieurs types de collagène de forme et de structure différentes selon leur localisation. Parmi les principaux, le type 1, le plus abondant (90% de tout le collagène corporel), est un constituant essentiel de la trame osseuse à laquelle il donne sa rigidité, de la peau, du tissu conjonctif, des tendons et de la cornée des yeux ; le type 2 est typique des cartilages et le type 3, quant à lui, est surtout présent dans les muscles squelettiques et la paroi des vaisseaux.

Le collagène peut donc également soutenir les ligaments qui perdent leur résistance, élasticité et souplesse, provoquant fréquemment une sensation de raideur dans les articulations. Les chevilles, les genoux et les poignets sont les articulations les plus vulnérables aux blessures ligamentaires. Le collagène peut aussi être secourable pour des problèmes comme la tendinite qui est fréquemment liée à un manque de collagène. De même, les muscles, comme la peau, peuvent eux
aussi bénéficier des bienfaits du collagène.

Le collagène permet donc de réduire les douleurs arthritiques et rhumatismales, de régénérer les cartilages et les ligaments, d’augmenter le tonus de la masse musculaire, de tonifier le corps et les organes, d’améliorer l’élasticité de la peau.

Il permet d’augmenter l’endurance, la force et la vitalité, d’améliorer la qualité du sommeil, de diminuer le mal de dos et les crampes musculaires dans les jambes, de récupérer rapidement lors d’accidents de toutes sortes en favorisant la cicatrisation et la croissance des tissus.

Au-delà de la gélatine

L’intérêt du bouillon tient aussi aux ingrédients d’accompagnement qui en font une potion alcaline. Les herbes et aromates (thym, laurier, clou de girofle, ail… ) sont essentiels : ils favorisent aussi la digestion, agissent comme anti-infectieux et apportent chacun leurs propriétés spécifiques. De même, parmi les légumes, qui apportent leur charge minérale alcaline, ceux contenant des composés soufrés (ail, oignons, poireaux, navets, choux…) optimisent la digestion, renforcent le caractère anti-inflammatoire de l’ensemble et assurent une action optimale du collagène.

C’est, entre autres, pour tirer parti des secrets des herbes et aromates que l’on fait frémir le bouillon sans jamais le laisser bouillir. Le bouillon est en fait une longue infusion.

Enfin, l’indispensable ajout d’un peu de vin blanc, de jus de citron ou de vinaigre de cidre, permet une extraction maximale des nombreux minéraux contenus dans les os : calcium, magnésium, phosphore. Ces minéraux contribueront entre autres à lutter contre l’ostéoporose et à rendre vos ongles plus durs.

Le bouillon apporte aussi les bienfaits des cartilages, qui sont un des aliments les plus riches en silice.

Conclusion

Ce bouillon sera salutaire dans de multiples pathologies, à commencer par celles qui sont induites par l’altération de la muqueuse digestive (colite, maladie de Crohn, hypochlorhydrie, reflux oesophagien, mais aussi allergies et asthme), l’atrophie musculaire, l’ostéoporose, les problèmes articulaires, le cancer, l’anémie, le diabète… sans oublier les anodins refroidissements, rhumes et autres grippes.

Pour Taty LAUWERS, auteur d’une série de guides culinaires et de livres théoriques d’«alternutrition », le bouillon de poule maison à l’ancienne est LE remède des épuisés chroniques : auxiliaire de digestion, adjuvant de détoxification, apport de minéraux…

« Et ce n’est pas parce qu’on ne s’explique pas scientifiquement pourquoi le bouillon de poule est un efficace adjuvant à la guérison des rhumes et des grippes qu’il faut négliger l’évidence observée sur le terrain. »

Taty Lauwers

Et, toujours selon Taty, le bouillon maison remplacera peut-être les capsules d’enzymes digestifs qui sont à la mode aujourd’hui. Selon le Dr. Pottenger, la gélatine a en effet des propriétés hydrophiles qui attirent les sucs digestifs à la surface des aliments cuits, alors qu’en principe les formes colloïdales cuites (amidons, farineux, céréales, légumineuses, graisses…) sont hydrophobes et rejettent les liquides (dans ce cas, les sucs digestifs).

Mais ce bouillon, si riche de vertus thérapeutiques, doit être réalisé dans les règles de l’art, c’est-à-dire à l’ancienne, avec des produits de qualité.

Le bouillon maison à l’ancienne a été remplacé, il y a quelques années, par les bouillons en poudre ou en cubes qui non seulement n’ont pas les vertus du bouillon maison, mais qui peuvent être délétères par la présence de graisses trans, de glutamate ou autres adjuvants. Ces bouillons, certes pratiques, mentionnés dans de nombreuses recettes sont, à mon avis, à éviter, même en qualité bio : faute de bouillon maison, on le remplace très facilement par des épices ou des plantes aromatiques, plutôt que par ces bouillons en poudre ou en cube.

Par contre réhabiliter le bouillon de poule à l’ancienne, surtout chez les malades, semble une idée intéressante.


 

ATTENTION

Ne confondons pas la gélatine d’un bon bouillon à l’ancienne et celle utilisée par l’industrie agro-alimentaire.

Et, oui : quel est le point commun entre un carambar, une mousse au chocolat, du pâté, un jus de fruit lacté, une gélule médicamenteuse, un yaourt classique ou de la margarine allégée ?

C’est la gélatine !

Cette gélatine est extraite des os et de la peau des animaux (porcs ou bovins le plus souvent) selon des techniques qui peuvent varier : prétraitement à l’acide chlorydrique pendant 48 heures, ou à l’alcali ou plus récemment traitements enzymatiques, suivi d’une phase d’extraction (à l’eau ou avec des solutions acides), puis d’une phase de raffinement.

La gélatine ainsi obtenue est incolore et inodore, elle permet d’obtenir des sucreries élastiques et de lier et émulsifier les mousses, produits laitiers, charcuteries…

Bien que les fabricants soient obligés de la mentionner parmi les ingrédients (sous le terme de gélatine ou E441), cette gélatine de mauvaise qualité est un véritable piège car elle est omniprésente dans les aliments de la grande distribution et se cache souvent dans les plats cuisinés.